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Violences sexuelles : qu’est-ce que l’amnésie traumatique ?
Sujet de discussion de plusieurs juristes, en autre en France en 2018, sur l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs «afin de prendre en compte la réalité de l’amnésie traumatique, pour que chaque victime puisse obtenir justice, à n’importe quel moment».
C’est compliqué, j’en conviens. Voici en plus clair ce que cela veut dire.
L’amnésie traumatique complète ou parcellaire est un trouble de la mémoire très fréquent chez les victimes de violences sexuelles. D’abord étudié chez des soldats traumatisés par les combats, ce phénomène d’amnésie traumatique a été observé dès les années 70 chez les victimes de violences sexuelles. Selon plusieurs études (Williams, 1994 ; Widom, 1996 ; IVSEA, 2015), 40% des victimes de ce type de violences sont atteintes d’amnésie complète, et 60% d’amnésie partielle, lorsque les violences sont commises pendant l’enfance.
La victime est «déconnectée de ses émotions».
Ces amnésies, qualifiées également de «mécanismes de sauvegarde» par la psychiatre Muriel Salmona, présidente et fondatrice de l’association Mémoire traumatique et victimologie, sont «les conséquences psychotraumatiques d’évènements traumatiques graves». C’est un «processus universel» comme celui vécu par les victimes d’attentats, ou de guerres, qui «fait disjoncter le cerveau et les circuits émotionnels et ceux de la mémoire».
La psychiatre précise que «sur le moment, la victime est dans un état de sidération tel, que cela la bloque et fait qu’elle n’a plus de réaction. En général, plus un évènement est émotionnel, et plus on s’en souvient. Mais là, l’évènement est tellement violent et l’émotion tellement forte que la personne ne ressent plus rien, elle est débranchée de ses émotions et de l’évènement». Et d’ajouter que cette amnésie traumatique «n’est pas vraiment un oubli, c’est un processus qui fait que la victime est perdue, elle est dans le brouillard».
Cette amnésie, également nommée «amnésie dissociative», est semblable à un «syndrome de stress post-traumatique» selon le DSM-5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association psychiatrique américaine). Ce processus y est décrit comme un «symptôme de l’exposition à la mort, à des blessures graves ou à des violences sexuelles».
Le mécanisme de défense reste activé «tant que la victime est en danger».
En 2015, une enquête menée par l’association Mémoire traumatique et victimologie avec le soutien de l’Unicef révèle que 37% des victimes mineures au moment des faits présentent une période d’amnésie suite aux violences. Ce chiffre monte jusqu’à 46% lorsqu’il s’agit de violences sexuelles commises par un membre de la famille. En effet, ces amnésies sont particulièrement fréquentes lorsque les violences ont été commises sur des enfants, et par des proches.
La psychiatre Muriel Salmona explique ainsi que ce processus de défense mis en place par le cerveau reste activé «tant que la victime est en danger, c’est-à-dire en contact avec la personne qui a commis les violences ou le milieu dans lequel cela a été fait. Et c’est quand la personne est enfin protégée qu’elle peut enfin recouvrir à la mémoire».
La mémoire peut revenir «par fragments» mais elle est retrouvée le plus souvent de manière «extrêmement violente, et fait revivre aux victimes les violences à l’identique», explique Muriel Salmona. Durant cette période d’amnésie, la victime fait souvent face à des dépressions à répétition ou problèmes de santé tels que «des troubles du sommeil, des sentiments de mal-être total, de vide, de déconnexion à elle-même et à ses émotions» précise la psychiatre.